RARISSIME
KATEB YACINE
Le cadavre encerclé
Tragédie en trois acte
Esprit
PREMIÈRE ÉDITION INTEGRALE
Publication de la revue Esprit
Extrait des numéros de décembre1954 et janvier 1955
(la pièce fut publiée la toute première fois dans la Revue Esprit en décembre 1954 p. 689 à 706 et janvier 1955 p.)
45 pages
* Bel état *
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ENVOI A RAYMOND MASON ET MIMI FOGT
" À Mimi Fogt Raymond femme géante digne de son sculpteur malicieusement écrasé"
En Algérie, au croisement d’une impasse, un monceau de corps, un marchand d’oranges et sa charrette. Lakhdar, militant anticolonialiste, rend l’âme rue des Vandales. Il se fait le porte-parole des cadavres qui l’entourent, abattus en pleine rue, en même temps que lui. Dévastée, Nedjma pleure l’absence de celui qu’elle aime. Hassan et Mustapha, les amis de Lakhdar, tentent d’arracher Nedjma aux dangers de la rue… Ce 8 mai 1945, la police tire sur les manifestants à Sétif. Ce massacre marque le début du soulèvement spontané des algériens qui entament une lutte armée… Les militants s’organisent. Dans sa première pièce, Kateb Yacine, père de la littérature algérienne moderne, nous convie au coeur de l’Histoire à travers celle d’un militant en lutte pour la libération de son pays. Ce poème tragique aux multiples intrigues retrace le combat intérieur des militants et des révolutionnaires, entre engagement public, historique et amoureux.
Le Cadavre encerclé peut s’entendre comme un long monologue éclaté, lardé de dialogues qui surgissent comme par effraction. La prose poétique de Kateb Yacine tisse ainsi sa toile, allant d’un personnage l’autre, amis, amoureux, mendiants, voyous, révolutionnaires, lâches, dessinant les contours d’une Algérie en ébullition, des hommes et des femmes confrontés à la violence du système colonial qui tentent par tous les moyens de survivre et de s’en défaire.
En 1954, lorsque Kateb Yacine publie Le Cadavre encerclé dans la revue Esprit, le metteur en scène Jean-Marie Serreau s’enthousiasme pour ce texte. Jean-Marie Serreau est alors un acteur très important de l’avant-garde théâtrale, qui mène une recherche esthétique et politique. Il est alors en train d’œuvrer à ce que la critique appellera plus tard le théâtre de la décolonisation. Le texte, publié dans une revue militante, mis en scène par un homme de théâtre engagé, représenté à Bruxelles lors d’une soirée très ouvertement politique, est d’emblée interprété comme un texte de militant. Pourtant, une étude de ce texte par le biais d’une approche sociocritique, en le confrontant à la production littéraire face à laquelle Kateb Yacine va se positionner ainsi qu’au discours ambiant, permet de porter un autre regard sur ce texte. À la lumière des archives de l’auteur, de sa production littéraire de jeunesse, systématiquement occultée par la critique, il apparaît que le texte relève plutôt d’un geste créateur typiquement romantique, dans la lignée des poètes romantiques qui furent les modèles de Kateb Yacine. Le texte est investi d’un matériau autobiographique très soldes important, qui va être totalement occulté au moment de la réception du texte : en 1954, en plein commencement de la guerre d’Algérie, ce n’est pas un poète lyrique que les milieux littéraires réclament, mais un auteur militant. Les travaux de Jérôme Meizoz sur la notion de posture permettent de cerner les stratégies que Kateb a peu à peu élaborées pour négocier son apparition sur la scène littéraire. Le matériau autobiographique de l’œuvre, quant à lui, tentera de ressurgir au cours de la collaboration entre Kateb Yacine et Jean-Marie Serreau, pour finalement réapparaître dans la dernière œuvre de Kateb. Cette pièce sur la vie de Robespierre, Le Bourgeois sans-culotte, devient alors une pièce testamentaire, une cérémonie d’adieux de Kateb Yacine.
Kateb Yacine est un immense poète, qui a vécu et pensé en trois langues, l’arabe, le tamazight et le français. Il est issu d’une famille berbère chaouie lettrée, de la wilaya de Guelma – appelée Kbeltiya ou Keblout, à l’est de l’Algérie et appartient à la tribu de Nador imprégnée des récits populaires et de la geste hilalienne, ce très ancien poème de tradition orale ; entourée de symboles comme les sacrifices de coqs ou de moutons et la figure du vautour ; de pouvoirs surnaturels, d’un important patrimoine poétique et mythique où le lyrisme se grave dans la langue de tous les jours. Kateb Yacine est lié à cette oralité, même s’il écrivait en français, la langue du colonisateur, qu’il qualifiait de « butin de guerre pour les Algériens », il s’en servait comme d’une arme, ou d’un cri.
Né en 1929 à Constantine, mort en 1989 à Grenoble, ni musulman ni arabe, mais Algérien, Kateb Yacine fut aussi journaliste, auteur d’essais, de poèmes – dont les premiers, Soliloques, ont été publiés en 1946 quand il avait seize ans à Bône, près d’Annaba, puis, deux ans plus tard, en 1948, Nejma ou le poème et le couteau au Mercure de France – auteur de romans, dont Nedjma, son roman emblématique publié en 1956. Dramaturge et metteur en scène, il fut aussi directeur d’une troupe itinérante en Algérie dans les années 1970, où il revint après dix ans d’exil, sillonnant le pays et défendant un théâtre en langue vernaculaire, Le Théâtre de la mer, qui deviendra l’Action Culturelle des Travailleurs (ACT). Il tourna notamment avec Mohamed prends ta valise, La Voix des femmes, La Guerre de deux mille ans et avec La Palestine trahie, pièce écrite en 1977 qui lui valut quelques tracas, où il mêlait à la forme théâtrale des chants et des danses.
Le Cadavre encerclé fut publié en deux parties en décembre 1954 et janvier 1955, dans la revue Esprit, puis en 1959 au Seuil sous le titre Le Cercle des représailles, englobant trois autres textes – La Poudre d’intelligence, Les Ancêtres redoublent de férocité et Le Vautour, avec une introduction d’Édouard Glissant. C’est un réquisitoire contre le colonialisme alors que l’Algérie est département français. Quand Jean-Marie Serreau la met en scène en 1958, Gilbert Amy, compositeur et chef d’orchestre en signe la musique scénique, la pièce est aussitôt censurée. Le tragique est au cœur du sujet – au sens de Sophocle, Euripide ou Eschyle dans leurs récits mythologiques – indissociable de la vie de Kateb Yacine et de la guerre d’indépendance pour l’Algérie dans laquelle la France colonisatrice a fait de nombreux morts. Ici, il s’agit de la réalité du politique et de l’Histoire longtemps passée sous silence, de la vie et de la mort d’un peuple. La pièce est à la fois populaire et universelle, chaque personnage apporte sa contribution au récit.
Raymond Mason (1922-2010), né le 2 mars 1922 à Birmingham (Grande-Bretagne)dun père écossais et dune mère anglaise et mort le 13 février 2010 à Paris, est un sculpteur britannique ayant vécu en France
En 1933, il sengage dans la Royal Navy, il en sera réformé en 1941. En 1937, il est reçu premier à lÉcole dart de Birmingham. Il sinscrit aux cours du Royal College of Art à Londres. Cest en 1944 quil bifurque vers la sculpture. Mason rencontre alors Henry Moore.
Il expose à Londres avec Sven Blomberg et Mimi Fogt, sa compagne et part pour Paris avec eux. Entre à l’École nationale des Beaux-Arts à Paris avec une bourse de l’Etat français. Décide de s’installer à Paris.
Profondément allergique aux rites sévères du bizutage en vigueur à lépoque aux Beaux-Arts, il ny remet plus les pieds. Ses professeurs viennent voir ses travaux dans son petit atelier quil partage avec les peintres Jacques Lanzmann et Serge Rezvani. En 1948, cest la rencontre avec Alberto Giacometti et le début dune longue amitié entre les deux hommes. Après avoir hésité, il opte définitivement pour lart figuratif. Mason est un peintre sculpteur.
Il a initialement une formation de peintre. En 1949, il expose au salon des Réalités nouvelles, mais labstraction lennuie. Il se tourne vers létude de la figure humaine sous linfluence de Giacometti. Et lorsquil investit la troisième dimension pour matérialiser ses représentations, il le fait dabord à partir de la technique de la composition selon les règles de la perspective inventées par les pionniers de la Renaissance italienne. Cest en projetant cette trame de lignes fuyantes - qui servit aux peintres à représenter sur un plan lillusion de la profondeur de lespace réel - sur une construction en relief que lartiste parvient à créer cet effet dillusion. En 1952NMimi Fogt le présente à Picasso à Vallauns.
Lœuvre de Raymond Mason sexprime à travers des bas-reliefs. Lartiste a introduit la couleur dans ses sculptures : « Une sculpture est inerte, mon but est de la rendre vivante et valide. Je façonne mes grandes compositions aussi dynamiquement que je peux et je les colorie parce que je veux quelles plaisent et quelles plaident auprès dautres êtres humains. Il est bien vrai que mes amis tremblent lorsque je mapprête à couvrir de couleur une œuvre qui ma pris un an ou deux à sculpter. Pourtant, en général, ils sont plutôt daccord avec le résultat. »
Mimi Fogt (1923 - 2005) née à Paris en et décédée au Portugal en 2005 est connue pour ses peintures et ses portraits.
Elle a étudié la peinture avec André Lhote. Elle fut la compagne de Raymond Masson. Elle a exposé ses œuvres dans différentes villes du monde, représentant ses amis et connaissances tels que Giacometti, Marcel Duchamp et Man Ray. Lenvironnement artistique de Saint-Germain-des-Prés dans les années 1950 a eu un impact profond sur Mimi, mais elle a également trouvé linspiration au Mexique et au Portugal. Fogt sest installée à Sintra, au Portugal, quelle a appelé « Reliquia ». Les œuvres de Mimi se trouvent dans des collections privées et publiques en Europe, aux États-Unis, au Mexique, au Brésil et au Portugal. Mimi est arrivée au Portugal à la fin des années 1960, après avoir vécu de nombreuses années au Mexique, en raison de la lumière de ce pays, fondamentale pour sa peinture, et pour Eça de Queiroz. Lorsquelle et son partenaire, Alberto Ramirez Capmany, vivaient à Sintra, ils ont construit une maison dans les montagnes quils ont nommée Relíquia.En 2001, elle et Alberto ont fait don dune partie importante de leur œuvre à la Fondation Passos Canavarro : portraits, paysag
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